L’alimentation en eau des canaux est toujours un problème crucial. Celle du canal de Bourgogne s’organise grâce à des solutions originales, sans équivalent sur les autres canaux de la région. Elle fait en effet à la fois appel à des réservoirs de grande capacité au bief de partage, mais aussi à de multiples ouvrages (aqueduc, vanne, déversoir, rigole, etc.) fonctionnant en interaction pour alimenter les versants, qui constituent l’une des principales particularités de cette voie d’eau. Le linéaire est ponctué par 189 sites d’écluses pour grimper environ 300 mètres de dénivelé sur le versant Yonne et 200 sur le versant Saône. Il s’agit certes de créer un chemin d’eau pour les transports mais aussi de réguler l’hydrographie autour du canal (notamment en cas de crue ou pour stabiliser le débit durant l’année pour les usines). Durant toute la phase commerciale du canal, le manque d’eau fut une préoccupation constante pour les autorités et les ingénieurs. L’eau manquant surtout dans la partie supérieure du canal, les constructions et les projets d’amélioration se multiplient au tournant du 20e siècle. 

Les Réservoirs

Situés essentiellement dans la région du bief de partage, les réservoirs ont un rôle primordial dans l’alimentation du canal. Par exemple, sur la section de Rougemont à Pouilly-en-Auxois, sur 64 km, les ruisseaux voisins alimentent peu le canal, d’où l’importance des réservoirs (Cercey, Panthier, Grosbois, Chazilly, le Tillot). Quatre d’entre eux sont au-dessus du niveau du bief de partage : Chazilly, le Tillot, Grosbois, Cercey. Ils alimentent le canal au moyen de rigoles qui se jettent dans les bassins de Pouilly et d’Escommes. Seul celui du Tillot ne présente pas de rigole d’alimentation à proprement parler. Le réservoir de Panthier se situe quant à lui en-dessous du niveau du bief de partage : il est relié au canal par une rigole se déversant dans le bief 10 du versant Yonne. Enfin, le réservoir de Pont-et-Massène alimente le canal par le biais de l’Armançon. Ces six réservoirs présentent en général la même structure : une digue en maçonnerie, un évacuateur de crue, une décharge de fond et une tour de prise d’eau.

Bien que le canal soit ouvert à la navigation dès 1832, les réservoirs du Tillot, de Cercey et de Panthier n’entrent en service qu’à partir de 1835. Ceux de Grosbois et de Chazilly ne sont terminés qu’en 1838. 

En dehors des quelques villas avec « vue sur canal » qui font leur apparition dans les années 1930, la villégiature est peu présente sur l’ensemble du réseau. Quelques endroits se distinguent : le réservoir de Pont fait ainsi figure de conservatoire de la villégiature depuis le début du siècle. Les demandes d’autorisation pour des cabanes de pêche fleurissent au début du 20e siècle à Fleurey-sur-Ouche par exemple (vers 1900) ou à Cercey en 1914.

Le réservoir de Cercey

Les travaux de construction « du barrage en terre du réservoir de Cercey » sont adjugé le 8 mars 1830 à Pierre Merle et Fils, entrepreneurs à Lamargelle, d’après le projet dressé par Bonnetat, ingénieur en chef du canal. L’année 1834 voit l’achèvement du barrage : les travaux sont adjugés le 27 février à Jean-Baptiste Reymond de Cercey. 

La maison de garde est projetée le 12 février 1837 par l’ingénieur ordinaire Alexandre Collin « pour veiller convenablement à la conservation des digues » et aussi « à cause du manque d’habitations à proximité de ce lieu ». Elle reprend le modèle fourni en 1811 par l’ingénieur Foucherot, visé en 1812 par l’ingénieur Sutil et comporte un grand jardin avec puits et verger.

L’ensemble de la digue est réparé voire consolidé à plusieurs reprises pendant la 2e moitié du 19e siècle : en 1841 et pendant les années suivantes à cause de glissements et éboulements dont un « attribué aux pluies abondantes ». L’eau du réservoir est retenue par une digue en terre de 1000 m. Ce réservoir, dont la hauteur de retenue est de 12,30 m, contient 3 590 000 m3. Il est alimenté par la rigole dite de Thorey (17,790 km) qui, après un passage en souterrain à Eguilly, traverse le village de Chailly et contourne le château, avec des prises d’eau à Thorey-sous-Charny, Blancey, Champ-Romain et Chailly. L’eau du réservoir est délivrée au canal dans le bassin du port de Pouilly par une rigole de 4,2 km qui franchit la route Thoisy-Cercey par un passage supérieur.

Les rigoles du canal sont aussi équipées de ponts ou ponceaux. Ces ouvrages, souvent en pierre de taille, petits par leur portée, n’en sont pas moins soignés comme en témoigne le pont-rigole du réservoir de Cercey, qui alimente le canal en eau en passant au-dessus de la route.

Il est à noter que des restes de villa romaine se trouvent sous le réservoir de Cercey : ils apparaissent quand celui-ci est vidangé. 

Sur les six réservoirs alimentant le canal de Bourgogne, seul celui de Cercey a servi à un autre usage ; à partir de 1914, se sont tenus les essais infructueux d’envol d’un ancêtre de l’hélicoptère, le « gyroptère » de Rouilly et Papin dont l’idée avait été présentée à l’Académie des Sciences en 1912.

Dès 1914, on trouve des demandes d’autorisation pour construire des cabanes de pêche au bord du réservoir. Aujourd’hui ces grandes étendues d’eau sont aussi des lieux de loisirs et de développement d’écosystèmes.

Réservoir de Cercey ©AM

Le réservoir de Panthier

Les travaux d’aménagement du réservoir de Panthier (construction du barrage en terre et ouverture des rigoles de remplissage et de prise d’eau) ont été adjugés le 15 décembre 1830 à Claude Leblanc, entrepreneur à Arnay-le-Duc, d’après le projet de l’ingénieur Bonnetat. Si le projet d’agrandissement de 1852 reste sans suite, celui de 1865 dressé par Henri Bazin, ingénieur ordinaire, le 10 décembre sera réalisé. Les travaux, d’abord adjugés le 9 août 1866 à l’entrepreneur Demonet de Courban, sont poursuivis à partir de 1869 par Lobereau, Meurgey, Grozelier, adjudicataires le 17 avril. Les prises d’eau sont au nombre de 6 : ruisseau d’Echannay à l’origine, puis ruisseau de Volta, ruisseau de Palloux, ruisseau de la prairie de Semarey, ruisseau de Solle. La rigole passe en souterrain sur 258 m derrière le parc de Commarin. L’agrandissement du réservoir, imposant qu’il soit complètement vidé, restera dans cet état en 1870, 1871 et 1872, avant sa remise en eau en 1873. L’ensemble des digues est restauré en 1909. Enfin, en 1910, sont adjugés les travaux à exécuter pour la construction d’une dernière rigole destinée à conduire au réservoir de Panthier les eaux excédentaires du bief de partage. 

L’eau du réservoir est retenue par une digue en terre de plus de 1100 m de long. Ce réservoir, dont la hauteur de retenue est de 14 m, contient 8 050 000 m3. Il est alimenté par le ruisseau de Panthier à l’ouest, par une rigole captant les eaux du ruisseau de Commarin au nord, et par, depuis sa construction en 1910, une rigole longue de près de 3038 m issue des eaux excédentaires du bief de partage, au sud. L’eau du réservoir est délivrée au canal à Vandenesse-en-Auxois, au niveau du bief 10 du versant Saône. Particularité de ce réservoir : c’est une retenue constituée latéralement sur un des flancs de la vallée (et non pas au travers). 

La maison de garde est certainement construite suite aux travaux d’agrandissement du réservoir dans les années 1860.

Aujourd’hui ces grandes étendues d’eau sont aussi des lieux de loisirs.

Réservoir de Panthier ©AM

Le réservoir de Grosbois

Le réservoir de Grosbois (1830-1838) a été conçu par les ingénieurs des Ponts et Chaussée Bonnetat et Lacordaire. Établi en travers de la vallée de la Brenne, affluent de l’Armançon, c’est un barrage rectiligne dont la digue en maçonnerie mesure de 550 m de long. Cette dernière a été renforcée par 7 contreforts en 1840, puis par 2 autres aux extrémités en 1852. De 22,50 m à l’origine, sa hauteur de retenue fut réduite à 19,50m en 1895 après la rupture brusque du barrage de Bouzey dans les Vosges, accident qui avait provoqué 87 morts. Un contre-réservoir, destiné à contrebalancer la poussée amont par une poussée aval, a été construit en 1900-1905 par les ingénieurs Galliot et Cléry. Le talus de sa digue en terre de 395 m fut refait entre 1922 et 1924 et sa partie basse fut consolidée par un enrochement. L’ensemble fut renforcé en 1948. 

La maison de garde de Grosbois a été construire d’après le projet dressé le 2 janvier 1841 par l’ingénieur ordinaire Alexandre Collin. Dans les années 1980, une seconde maison a été construite pour abriter le garde-remplaçant.

L’eau du premier réservoir est maintenue par une digue en maçonnerie de 550 m de long renforcée par 9 contreforts. Ce réservoir, dont la hauteur de retenue est de 22,30 m, contient 222 000 m3. Le contre-réservoir, avec digue en terre de 395 m de long, possède une hauteur de retenue de 15,35 m et contient 828 000 m3. L’ensemble est alimenté par la Brenne, le ruisseau du Moulin et du Val Machurin. L’eau des réservoirs est délivrée au canal dans le bassin du port de Pouilly par une rigole de 14 kms qui traverse un relief très marqué et effectue un passage souterrain de 3,6 kms à Soussey-sous-Brionne.

Ces ouvrages mobilisent à la fois toute la technique des ingénieurs, les efforts humains des ouvriers et l’investissement financier des pouvoirs publics.

Aujourd’hui ces grandes étendues d’eau sont aussi des lieux de loisirs.

Réservoir de Grosbois ©AM

Le réservoir de Pont-et-Massène

La construction du réservoir de Pont-et-Massène est décidée en même temps que l’allongement des écluses.

Il est créé sur le cours de l’Armançon entre 1878 et 1883. Ses fonctions sont multiples : il s’agit certes d’alimenter le canal de Bourgogne, mais aussi de réguler le cours irrégulier de l’Armançon et d’assurer l’approvisionnement en eau potable des communes environnantes, dont Semur-en-Auxois. Ainsi, depuis 1981, une station de filtrage permet le traitement de l’eau pour environ 70 communes. Et les eaux de l’Armançon, régulées, ont alimenté toute une série d’usines, moulins et autres, entre Pont et Rougemont. En amont du plan d’eau, un pont ancien, dit « Pont Romain » ou « Pont du Moulin de la Ronce », encore visible en période d’étiage, témoigne de l’activité de la vallée avant l’aménagement du réservoir.

Le réservoir, dont la hauteur de retenue est de 20 m, peut contenir jusqu’à 5 232 000 m³ d’eau. Sa longueur est de 5,6 km. L’eau de l’Armançon et de ses affluents est contenue par une digue de 150 m en maçonnerie, soutenue à l’aval par huit contreforts. La chambre des robinets est aménagée à ses pieds : elle abrite les vannes de vidange du réservoir. A droite du barrage se trouve un déversoir de superficie permettant d’évacuer le trop-plein en période de crue. La tour de prise d’eau se situe quant à elle dans la partie gauche de la digue : elle comprend trois étages de trois aqueducs fermés par des vannes auxquelles on accède par une série d’escaliers en pierre. L’eau du réservoir est délivrée au canal dans le bief 71 du versant Yonne, à Rougemont. La maison de garde est aménagé au niveau du barrage.

Au pied du barrage a été aménagé, sans doute dès l’origine, un parc paysager englobant la rigole d’évacuation, l’Armançon et la rigole de chute du déversoir. Les ouvrages d’art, traités comme des fabriques de jardin, concourent à la mise en place de points de vue pittoresques. Ainsi, la chute d’eau du déversoir de superficie évoque-t-elle une cascade artificielle. La passerelle métallique qui la surmonte n’est pas sans rappeler le pont « des Suicidés » du parc des Buttes-Chaumont à Paris. De même, l’édicule consacré au limnimètre prend modèle sur la célèbre colonne Morris. Ce type d’aménagement n’est pas unique : à la même époque, un parc paysager avec gerbe d’eau et cascade est créé en aval du réservoir de Saint-Ferréol, autour de la rigole de la Plaine alimentant le canal du Midi. L’impression recherchée est celle d’un parc à l’anglaise.

L’histoire de l’activité touristique du lac est encore lisible dans les installations concentrées sur la rive gauche. Aux cabanes de pêcheurs en bois, dont quelques-unes sont encore en place, se sont ajoutées des cabines de plage destinées aux premiers baigneurs puis, dans les années 1970, une base nautique (avec son plongeoir, sa plage de sable) et un camping. On note par ailleurs un intéressant ensemble de maisons d’époques variées qui témoigne de l’existence d’une petite villégiature tout au long du 20ème siècle, ce qui est très rare sur le canal de Bourgogne. Ces maisons apparaissent comme les modèles réduits des pavillons urbains. Bien en amont du barrage se trouve un village de vacances datant de la fin du 20ème siècle. Un sentier de randonnée fait le tour du lac.

C’est au bord de ce lac qu’ont été tournées certaines scènes du film de Claude Pinoteau, « Le grand escogriffe » (1976), avec Yves Montand, Agostina Belli, Claude Brasseur, Aldo Maccione et Guy Marchand.

Réservoir de Pont-et-Massène ©AM

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