L’alimentation en eau des canaux est toujours un problème crucial. Celle du canal de Bourgogne s’organise grâce à des solutions originales, sans équivalent sur les autres canaux de la région. Elle fait en effet à la fois appel à des réservoirs de grande capacité au bief de partage, mais aussi à de multiples ouvrages (aqueduc, vanne, déversoir, rigole, etc.) fonctionnant en interaction pour alimenter les versants, qui constituent l’une des principales particularités de cette voie d’eau. Le linéaire est ponctué par 189 sites d’écluse pour grimper environ 300 mètres de dénivelé sur le versant Yonne et 200 sur le versant Saône. Il s’agit certes de créer un chemin d’eau pour les transports mais aussi de réguler l’hydrographie autour du canal.

Pouilly-en-Auxois ©AM

Ports et gares d’eau

Le canal de Bourgogne possède aujourd’hui 43 ports et/ou gares d’eau, sans compter les simples bassins de virement. De tailles différentes, ils présentent encore des installations du 19e siècle comme des quais, des cales sèches ou des maisons de garde. Depuis l’arrêt de la navigation commerciale dans les années 1980, les ports du canal se reconvertissent en lieu d’accueil pour le tourisme. Ainsi, celui de Pouilly-en-Auxois possède une capitainerie proposant des promenades en bateau. D’autres, à l’origine plus petits, ne sont plus exploités : seul le bassin indique une activité ancienne.

Dans un réseau consacré au développement industriel, les ports jouent un rôle essentiel de transfert des marchandises et de traitement des matières premières. Les haltes sont aussi l’occasion de réparer les bateaux ou d’accueillir et approvisionner les mariniers. Toutes ces activités se traduisent par des infrastructures appropriées, qui ont aujourd’hui en grande partie disparu. Le port d’Escommes faisait parti des ports principaux. Ces derniers possédaient de véritables structures portuaires faisant du canal de Bourgogne une voie commerciale de premier plan à l’échelle régionale et nationale. Certains constituaient même des « plateformes multimodales » avant l’heure avec la présence toute proche de lignes de chemin de fer. Ainsi, le port de Pont-d’Ouche se trouve au départ de la ligne des houillères d’Épinac, celui de Laroche-Migennes en plein cœur de la gare de triage. Les ports secondaires ont surtout un rôle de desserte des produits locaux. Par exemple, le bassin de Grandchamp est élargi en 1879 afin de servir au transport des matériaux de construction régionaux. La production de betteraves autour du port de Vandenesse-en-Auxois, part pour la sucrerie de Brazey-en-Plaine située bien en aval.

Dans l’ensemble, les ports sont situés à proximité d’industries. En effet, les ¾ des communes traversées par le canal ont vu se développer des activités industrielles : carrières, cimenteries, fours à chaux, forges, entrepôts de marchandises… Depuis l’arrêt de la navigation commerciale dans les années 1980, les ports du canal se reconvertissent en lieu d’accueil pour le tourisme, le transports de marchandise (canal concurrencé par la route et le rail) ayant cédé la place au tourisme fluvial.

L’alimentation en eau du canal a toujours été une préoccupation et s’organise grâce à des solutions originales.

Aux grands travaux de la construction du canal a succédé une phase de développement d’un paysage industriel et commercial. Il est aujourd’hui difficile d’imaginer l’intense activité du siècle dernier. Le volet des loisirs a désormais pris le relais.

Le port de Pouilly-en-Auxois

Ce port a été construit en 1830 d’après le projet de l’ingénieur Lacordaire. Il fait parti des 15 ports principaux que comptent le canal avec notamment Montbard, Escommes, Pont-de-Pany ou Pont-d’Ouche. De forme rectangulaire, il possédait de nombreux aménagements portuaires : remise, rampe de mise à l’eau, cale… C’est dans le bassin de ce port que débouchent les rigoles d’alimentation du canal amenant l’eau des réservoirs de Grosbois et de Cercey. Il s’y trouvait vers 1860 une tuilerie et une cimenterie sur la rive droite. Il reste aujourd’hui un immeuble de logements ouvriers. Sur la rive gauche, il reste une maison ayant appartenu à la famille Cuvelier avec aujourd’hui un silo de Dijon Céréales. Sur cette même rive, un déversoir permettait de faire fonctionner la centrale hydroélectrique pour le toueur. A l’emplacement de l’actuelle rampe de mise à l’eau, a été installé un autre petit déversoir. Actuellement, il est utilisé comme port de plaisance. L’office de tourisme se situe sur le port qui possède une capitainerie proposant des promenades en bateau.  

Sur le même quai au niveau de l’ancienne cale du bac, une structure, rappelant la forme du tunnel de Pouilly, abrite depuis 2004 un ancien toueur qui servait à tirer les bateaux. Il s’agit de la première réalisation en France de l’architecte japonais Shigeru Ban (associé à l’architecte parisien Jean de Gastines), nommée la halle. Juste à côté, ces mêmes architectes ont réalisé un bâtiment en verre consacré au canal de Bourgogne et servant de centre d’interprétation.  

Pouilly-en-Auxois ©AM

Le port d’Escommes

Ce bassin est alimenté par plusieurs réservoirs. Situés essentiellement dans la région du bief de partage, les réservoirs ont un rôle primordial dans l’alimentation du canal. Quatre d’entre eux sont au-dessus du niveau du bief de partage : Chazilly, le Tillot, Grosbois, Cercey. Ils alimentent le canal au moyen de rigoles qui se jettent dans les bassins de Pouilly et d’Escommes. Ainsi, l’eau du réservoir de Chazilly est délivrée rive droite par une rigole de 7,6 km qui passe sur le sommet de la digue du réservoir du Tillot. Sur la rive gauche, un ruisseau, dit des Lochères ou de Beaume, selon des plans de 1860 ou la Vandenesse aujourd’hui, sert de déversoir au bassin (système de vannes sur le ruisseau comme sur le canal), puis entre dans un tunnel pour, d’une part alimenter l’usine hydroélectrique, et d’autre part le réservoir de Panthier. 

Cette usine est construite en 1893 pour fournir l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement du système de touage mis en place par François-Marie Galliot. Elle tirait son énergie de la chute d’eau de l’écluse 01 du versant Saône. L’eau issue de la chute de l’écluse est amenée dans le sous-sol de l’usine par un aqueduc pour faire tourner une turbine qui alimente le générateur installé au rez-de-chaussée. L’électricité était ensuite transportée par un réseau de fils, aérien d’abord, puis accroché à la voûte du souterrain ensuite, pour alimenter le moteur du toueur par un captage via des caténaires. 

Deux maisons se font face de part et d’autre du bassin. L’une dite “de gardes” est construite sur le modèle fourni en 1811 par l’ingénieur Foucherot, visé en 1812 par l’ingénieur Sutil. L’autre traditionnellement appelée « maison des ingénieurs » a servi comme fabrique de ciment Lacordaire puis Sorlin père et fils. Les historiens font remonter l’histoire du ciment au percement du souterrain de Pouilly. L’ingénieur du canal, Philibert Lacordaire repère des veines de calcaire pouvant convenir à la fabrication du ciment et plusieurs entreprises se développent dans la foulée, s’installant le long de la voie d’eau : Pouilly-en-Auxois, Escommes, Vandenesse-en-Auxois, Crugey, Pont-de-Pany, Fleurey-sur-Ouche…


Escommes ©AM

Le port de Vandenesse

Si l’écluse 08 du versant Saône est l’élément le plus visible aujourd’hui du canal à Vandenesse, il s’inscrit dans un réseau hydraulique complexe, couvrant un plus large territoire. Ce système hydraulique met en relation le canal avec d’une part la Vandenesse, qui longe la rive droite et qui passe sous le canal, et une rigole sur la rive gauche. Une rigole en provenance du réservoir de Panthier assure l’alimentation en eau, tandis que deux déversoirs permettent de vider le trop-plein. Ce dernier est évacué dans la rivière de la Vandenesse qui passe sous le canal au moyen d’un aqueduc. Les ouvrages étaient sous la surveillance du personnel du port.

Le port est agrandi en 1833 peu après la mise en service du canal sur tout son parcours. Dans leur rapport du 13 juin, Moreau, ingénieur ordinaire et Bonnetat, ingénieur en chef disent ceci : « Le port de Vandenesse ; destiné à recevoir en dépôt pendant les chômages du canal de Bourgogne les divers produits d’exportation des communes limitrophes dépendant des cantons de Sombernon, Pouilly, Arnay-le-Duc et Bligny ; destiné également à l’époque des sécheresses à fournir des places d’allège pour les bateaux qui viendront de contrées éloignées et se trouveront engagés avec un trop fort chargement dans les lignes supérieures du canal ; destiné enfin à donner momentanément entrepôt aux houilles d’Epinac ; n’a pas une étendue assez grande pour contenir les nombreuses marchandises qui y seront amenées. “

Il possède une maison de garde construite en 1846. 6 maisons de garde étaient prévues sur le versant Saône. Elles reprennent le modèle de maison éclusière fourni en 1811 par l’ingénieur Foucherot, visé en 1812 par l’ingénieur Sutil. Comme d’autres de ses semblables, elle veillait à l’entretien et au bon fonctionnement du canal et de ses rigoles.

A la place de la remise moderne affectée au service du canal se tenait une bascule permettant de peser les betteraves de toutes la région embarquées sur le port avant qu’elle ne partent à destination de la sucrerie de Brazey-en-Plaine. 

Depuis cet emplacement, un paysage magnifique s’offre à nous avec la vue sur le château de Châteauneuf élevé sur une colline verdoyante et le village de Vandenesse.

Vandenesse ©AM

Le port de Pont-Royal

Il est établi en 1833 à l’intersection entre le canal et la route de Paris par Avallon, au lieu-dit Maison-Blanche. Il est agrandi en 1837. Des murs de quai sont construits en 1863 par l’entrepreneur Soupé, d’Aisy.

En 1868, Sébastien Debias, négociant demeurant à Pont-Royal, demande qu’on l’autorise « à faire traverser le chemin de ceinture du port de Pont-Royal, rive droite, par un chemin de fer qui sera prolongé sur la largeur du dit port pour y transporter des matériaux qui sont destinés à être embarqués sur le canal ». Debias « se charge de s’entendre pour le dépôt avec la Compagnie Anonyme des forges de Châtillon et Commentry qui est locataire de toute la partie du port dont il s’agit ». L’autorisation est accordée . Sur les plans des années 1860, on retrouve, sur la rive droite, la ligne de chemin de fer et un magasin appartenant à Sébastien Debias. 

Depuis 1994, ce port et la maison de perception sont éclairés en nocturne par une oeuvre de l’artiste plasticien Michel Verjux qui travaille sur les jeux de lumière : « onze colonnes de lumière pour un horizon nocturne »

Pont-Royal ©AM

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